Laissez-vous conter l’histoire des outils “zéro phyto” d’Avril Industrie reprise par Optim’ism, via Paysagism
De prime abord, entendre parler d’outils ne paraît pas très « sexy », mais… Derrière ceux d’Avril Industrie, qu’Optim’ism soutient en location gérance depuis début janvier 2025, il y a une histoire de convictions, vieille de 50 ans. C’est celle de Jean, de son fils, Pierre, et d’une prise de conscience : la nocivité de pratiques agricoles liées à l’utilisation de produits phytosanitaires. Ces produits, dérivés du Xyklon B utilisé dans les chambres à gaz de l’Allemagne nazie, la famille Avril a voulu leur tourner le dos. Et elle a su trouver des alternatives. Pierre nous a fait entrer dans l’intimité de l’entreprise qu’il a créée, accompagné par Simon, Thomas et Arlo, les trois salariés de l’équipe.
De gauche à droite, Thomas Toulliou, à l’atelier depuis 8 ans, Pierre Avril, créateur de l’entreprise Avril Industrie, Simon Watine, à l’administratif et à la commercialisation, et Arlo Neden, à la production.
L’histoire débute à Saumur où Jean, qui produit des poires William et de l’eau de vie, se fait exproprier en 1974. Dans une cabane de jardin, il avait monté une petite activité annexe de réparation de tondeuses, qui allait bientôt se développer, puis se transformer pour donner naissance en 1991 à Avril Industrie, créatrice d’outils « zéro phyto » pour le maraîchage, l’entretien d’espaces verts et de la voirie.
Fin 2024, son catalogue comptait 200 pièces d’usure pour les rechanges et une douzaine d’outils, manuels, tractés ou propulsés, « de très haute qualité, indispensables à la survie d’une entreprise », dont toute une gamme de « pics » : pic pour déherber pavé et trottoirs, pic rond pour le sable et gravier, pic bine pour le jardin et la voirie, pic rac pour les racines et souches, pic bêche pour décaper et déraciner, pic agri – ou grelinette – pour aérer et décompacter les sols, avec trois, quatre ou cinq dents (et même dix pour les besoins spécifiques d’Optim’ism).
On y trouve aussi une houe tout-en-un pour désherber, sarcler, biner, sillonner, balayer et ratisser… Une bi-lames pour les professionnels, une mono-lame pour les particuliers. Ses outils de désherbage manuel et mécanique ou de travail du sol n’ont pas seulement une robustesse inégalable, ils sont ingénieux, ergonomiques, et abordables grâce à la vente directe. Efficaces aussi. Ses désherbeurs à propulsion ou par traction sont « cinq fois moins chers et plus efficaces que le glyphosate ».
A la main ou tractés, tous les accessoires pros sont utilisés dans les prestigieux jardins des châteaux de Versailles, Blois et Chambord, notamment, dans plus de 1200 collectivités locales pour l’entretien de la voirie, des parcs et jardins, des terrains de football ou des cimetières, sans oublier les fermes maraîchères, dont celles d’Optim‘ism qui testent aussi de nouveaux prototypes. « Ils seront bientôt adaptables aux outils actuels », précise Simon Watine, le commercial de l’entreprise. Avril Industrie dispose d’un réseau de plus de 30 revendeurs en France. Ses outils ont fait l’objet d’un dépôt de trois brevets, avec un secret de fabrication bien gardé.
L’équipe de trois personnes, deux à la production, une à la commercialisation, fait preuve d’une incroyable agilité pour répondre à des demandes précises. Depuis le départ de Pierre à la retraite, les outils tractés et à propulsion de la marque Stabnet et de la gamme de machines de désherbage mécanique ont été vendus à la société sarthoise Rotadairon qui suivait Avril Industrie sur les salons depuis trois ans. Les outils à main sont passés sous l’administration d’Optim’ism, via une location gérance assurée par son entreprise Paysagism.
Pierre, le fondateur militant
Mais retournons un instant en 1974. Pierre se souvient que la famille, au moment de l’expropriation, avait déjà vu des exploitants mourir de l’épandage de produits phytosanitaires. « Mais c‘était la loi du silence, regrette-t-il, personne ne disait rien, d’où mon engagement aujourd’hui contre les produits phytosanitaires, dans le collectif d’organisation des marches contre Monsanto et chez les Verts. Mon père lui aussi a utilisé des pesticides, nous étions au courant de ses méfaits ».
Dans la Vallée de la Loire, la dangerosité des produits chimiques commercialisés par la firme Bayer-Monsanto n’était un secret pour personne. L’eau était contaminée jusqu’aux marais Poitevin. « Le directeur de l’Hôpital de Loire était même venu nous avertir des risques de cancer et de malformations des foetus liés à leur utilisation ou à leur inhalation par les femmes enceintes ; mon père nous disait de ne surtout pas suivre son exemple », ajoute Pierre. Il avait lu Le Printemps Silencieux, paru en 1962, signé de la main de Rachel Carson, la première au monde à avoir dénoncé les pesticides. Le livre marque aussi la naissance du mouvement écologique. Une prise de conscience dans laquelle Pierre, très proche de son père, baigne tout jeune.
La famille décide donc de quitter Saumur en 1974 avec ses cinq enfants pour s’installer à Saint-Luce sur-Loire près de Nantes. Pierre, pendant toutes les vacances scolaires, travaille avec son père qui s’est lancé tout entier dans son commerce de réparation de matériel d’entretien des espaces verts et de vente de pièces d’usure avec la Société Avril Jean. « Mais quand vous êtes sous-traitant, votre entreprise joue perpétuellement au yoyo, commente Pierre. Il a compris qu’il fallait développer ses propres créations, porté par sa volonté d’un travail de la terre « propre ». Nous devions devenir acteurs de notre fabrication, ce qui est rare en France ». L’entreprise est implantée 18 ans en Loire-Atlantique, jusqu’à ce que Pierre rencontre une fille de marin pêcheur, s’installe à Ploemeur et reprenne l’entreprise en 1991 sous la pression insistante de son père.
Pierre lui donne le nom d’Avril Industrie et développe une gamme d’outils écologiques avec des manches en bois français « du frêne de Bourgogne, issu de forêts gérées durablement » et un alliage spécifique d’acier ultra-résistant à base d’une matière première fabriquée en Allemagne, puis laminée en France. Son entreprise se plie aux exigences des collectivités publiques, ce qui la fait progresser. Elle traite directement avec des villes comme Angers, Orléans, Quimper, Lorient ou Concarneau… Jusqu’à ce que la règle des appels d’offres « qui favorise les grosses entreprises » marque un temps d’arrêt dans le florissant business familial.
« Nous avons perdu 60 % de notre clientèle en un an. L’entreprise a failli couler, pour tenir, je faisais de l’entretien de terrains de sport partout en Bretagne, je finissais souvent à minuit, mais on a remonté, grâce notamment à la Ville de Lorient ». Pour la petite histoire – encore – à une époque, c’est Pierre qui entretenait le Moustoir à Lorient. « L’entreprise qui le fait maintenant vient acheter ses outils chez nous ».
Céder mais préserver l’héritage familial
Nouveau coup dur quelques années plus tard. L’entreprise fait face à une baisse de son chiffre d’affaires en raison de l’endettement croissant des communes, mais aussi de la baisse des aides de l’agence de l’eau, justement pour éviter l’utilisation du glyphosate. L’entreprise passe de 10 à 4 salariés, dont un commercial sur la Belgique. L’âge de la retraite ayant sonné, Pierre qui veut à tout prix préserver l’héritage familial, fait des choix prévoyants.
« Je ne voulais pas vendre à n’importe qui. J’ai refusé plein de propositions, dont celle de mon concurrent direct, je ne voulais pas de repreneur qui n’ait pas d’éthique. L’entreprise était principalement tenue par des convictions. J’avais un acheteur pour l’ensemble, mais je ne le trouvais pas suffisamment costaud. Un des acheteurs potentiels était celui qui, amoureux des machines, me suivait sur tous les salons pendant trois ans. Il en fabrique lui-même et assure 40 % de son chiffre d’affaires à l’export, contre 20 % pour nous. J’ai accepté son offre pour la partie machines. Il n’était pas intéressé par le reste ; Optim’ism était partante pour la reprise de l’activité des outils manuels ».
En parallèle à Avril Industrie, Pierre a tenu pendant 17 ans une ferme bio de production de lentilles vertes du Puy à Plumergat près d’Auray. Il connait bien Optim’ism et son directeur, Max Schaffer. « Lui aussi est un amoureux de nos outils. Avoir une collection d’outils qui préserve l’environnement pour des fermes bio, appartenant au réseau Cocagne, c’était cohérent ». Une nouvelle page de l’histoire d’Avril Industrie commence à s’écrire à Ploemeur, avec Sébastien Jacob, responsable de Paysagism, Laurent Martinache qui teste les outils et propose des innovations à partir des fermes d’Optim’ism, et l’équipe en place : Simon Watine, à l’administratif et à la commercialisation, Thomas Toulliou, à l’atelier depuis 8 ans pour le travail de forge, d’usinage, de fraisage, de soudure et de chaudronnerie. Il est aussi à la communication, après un BTS spécialisé avant sa reconversion, et formateur depuis presque deux mois d’Arlo Neden, nouvelle recrue franco-britannique à qui il enseigne des techniques « qu’on n’apprend pas à l’école » dans un secteur d’excellence à la Française, qui a ses propres recettes. Longue vie à Avril Industrie !